Enjeux écologiques



    L’utilisation et la production des terres rares posent de nombreux problèmes écologiques.
En premier lieu, si les terres rares sont relativement abondantes à l'intérieur de la croûte terrestre, leur concentration reste plutôt faible même dans les sites d’extractions. 



     De plus, elles sont présentes sous forme de minerais, principalement de la monazite et de la bastnaésite. Ces deux minerais contiennent des éléments radioactifs tels que l’uranium et le thorium. Cependant, la monazite possédant des concentrations bien plus élevées que la bastnaésite.
Monazite; Source: geology neab


Bastnaésite; Source: Minedirect

  Les mines contiennent également de nombreux autres minerais ne possédant pas de terres rares. Il faut donc raffiner de grandes quantités de matières minérales pour produire des extraits de terres rares pures. La mine de Mountain Pass a extrait environ 20 millions de tonnes de minerais ,principalement de la bastnaésite, avec en moyenne 9% de terres rares. 

    Par ailleurs, les terres rares sont invisibles à l’œil nu, donc des analyses chimiques poussées sont nécessaires afin de révéler leur présence. C’est pourquoi, il faut d’abord séparer les minerais contenant des terres rares de ceux qui n’en contiennent pas, puis ensuite extraire de ces minerais, les terres rares.

    Les terres rares ont des propriétés physiques voisines qui nécessitent la mise en œuvre de procédés complexes utilisant de nombreux produits chimiques afin d'extraire des terres rares purifiées.


     Au début et au milieu du XXème siècle, le mischmetal, formé à partir de monazite, était le premier produit à base de terre rare principalement utilisé. En outre, la monazite permettait d’obtenir un alliage constitué pour moitié de cérium, d'un quart de lanthane, et de 15-20% de néodyme, le reste étant principalement du praséodyme mais ne donnait pas la possibilité de séparer individuellement les terres rares. Le thorium naturellement présent dans la monazite, était facilement séparé grâce à son pH plus élevé que les autres éléments présents dans le minerai. Le radium était rendu insoluble grâce à l’ajout de sulfate de baryum, puis séparé de la solution. La solution restante était alors chauffée en présence de produits contenant du chlore, ce qui causait l’évaporation de l’eau et ne laissait que des chlorures de terres rares. Il ne restait alors qu’à le soumettre à un courant électrique pour obtenir du mischmetal. C’était un procédé assez rudimentaire aboutissant à un alliage de terres rares et il faudra attendre le milieu du XX ème siècle pour que les avancées scientifiques permettent d’élaborer des techniques pour séparer individuellement les terres rares.   

batons de mischmetal; source:  Outdoormesser



  Un des procédés utilisé actuellement pour séparer les minerais contenant des terres rares de ceux qui n’en contiennent pas, est la flottation. Cette technique utilise la différence d’hydrophilie des différents minerais. Elle est utilisée pour purifier la bastnaésite dans la mine de Mountain Pass. Elle est également employée dans la mine de Bayan Obo pour purifier la bastnaésite et la monazite.


Ces deux minerais sont extraits à l'aide de minerais de calcite, de barytine et de dolomite. Les minerais sont tout d'abord moulus en fine particules (entre 250 et 10µm). Ils sont ensuite mis dans une cellule de flottation, remplie d’eau. On ajoute enfin de nombreux produits chimiques variés qui réagissent avec certains des éléments qu’on veut séparer. Cela les rend insolubles dans l’eau et une injection d’air dans la cellule permet de les faire mousser en présence d’autres produits chimiques. La mousse remontant en haut de la cuve, est alors facilement séparée.  

Il est à noter que cette méthode utilise beaucoup d’eau, de produits chimiques et d’énergie, et produit des déchets tels que de l’eau radioactive (à cause de la présence de thorium ou d’uranium dans certains minerais).
Cellule de flottation; source: Cerig



     Les minerais étant séparés, il suffit d’effectuer une extraction par solvant pour obtenir des terres rares pures. Il existe différents protocoles d’extraction par solvant, qui varient en fonction de la terre rare que l’on cherche à extraire ou du taux de pureté qu’on souhaite atteindre. Par exemple, pour extraire du cérium, la mine de Mountain Pass utilise un processus qui nécessite entre autre de chauffer de la bastnaésite à 650°C pendant 3 heures pour obtenir de l'oxide de cérium (CeO2), qui devient insoluble dans l’acide chlorhydrique contrairement à toutes les autres terres rares. Il suffit donc d’ajouter cet acide pour séparer le cérium des autres terres rares, qui atteint une pureté d’environ 70% et est alors utilisable.


  La purification  des terres rares peut avoir lieu sur le site d’extraction, comme à Bayan Obo ou à Mountain Pass, ou dans des usines spécialisées. La mine de Mount Weld en Australie envoie les minerais extraits à l’usine de Lynas Advanced Material Plant en Malaisie.

  A Nous pouvons constater que l’extraction et la production de terres rares sont énergivores car elles nécessitent beaucoup d’eau et utilisent des produits toxiques (métaux lourds: plomb ou mercure), des acides (acide hydrochlorique, acide sulfurique,etc) ou d’autres composés (sulfate d’ammonium, ammoniaque, etc). 
  
  En conséquence, elles produisent de nombreux déchets (eaux acides et radioactives, poussières radioactives, gaz contenant du dioxyde de soufre ou encore déchets solides toxiques).
   
  Pour extraire les minerais, il faut également injecter des substances potentiellement toxiques dans les sols. Le ministre chinois de l’information et des transports Su Bo a déclaré: Il faut injecter sept ou huit tonnes de sulfate d’ammonium dans le sol pour extraire une tonne d'oxydes de terres rares. Ces liquides toxiques vont résider longtemps et les conséquences seraient épouvantables si l'eau souterraine était polluée“.


  Les gaz produits sont libérés dans l’atmosphère car il n’existe pas de moyen de les contenir. L’atmosphère est également affectée par les poussières d’éléments radioactifs comme le thorium, et d'autres poussières contenant des métaux lourds provenant de l’extraction. Les déchets liquides sont contenus dans des bassins naturels ou artificiels, qui risquent de déborder suite à de fortes pluies ou des séismes, car ils sont souvent mal conçus. Les personnes travaillant dans les mines et les usines d’extraction et de raffinage sont particulièrement exposées à ces produits, tout comme les habitants locaux.

Dans la mine de Bayan Obo, les déchets liquides sont stockés dans un lac artificiel de 10km3. On estime que 8 millions de tonnes de déchets liquides et solides sont produits chaque année. La mine est alimentée en énergie par une centrale à charbon à proximité, également très polluante.
Mine de Bayan Obo; source: Le Monde
  Ces déchets entraînent de nombreux dégâts sur l’environnement et le corps humain:

  • Le dioxyde de soufre libéré dans l’atmosphère irrite les poumons et est l’une des principales molécules responsables des pluies acides perturbant la faune et la flore.
  • Le thorium présent dans la monazite émet naturellement un rayonnement α qui ne peut pas pénétrer la peau, et n’est par conséquent dangereux que s'il est ingéré ou inhalé. La monazite étant réduite en fine particule avant sa séparation par flottation, il y a un risque de production de poussières contenant du thorium. Une fois inhalées, ces poussières augmentent le risque de cancer du poumon, du sang et du foie.
  • Les métaux lourds, tels que le plomb et le mercure, sont également très toxiques pour la faune et le corps humain (principalement le système nerveux et les autres organes tels que les reins).
  • Les déchets liquides radioactifs peuvent se retrouver dans les nappes phréatiques et donc polluer l’alimentation des populations. Ils peuvent donc causer des cancers, ou contaminer la flore et la faune à proximité des dépôts.
  • Les déchets liquides acides peuvent contaminer l’environnement et engendrer des risques pour la population de la même manière que les déchets liquides radioactifs. Ils perturbent de même la faune et la flore (particulièrement les organismes aquatiques) et impactent les organes des êtres vivants.
  • Les produits injectés dans le sol peuvent également contaminer les sols et la nappe phréatique et causer des dégâts sur l’environnement et les populations.
  • L’utilisation d’acides puissants augmentent les risques d’accidents pour les travailleurs des usines d’enrichissement, s'il y a inhalation de vapeurs ou contact accidentel avec la peau ou les yeux.

  Nous allons maintenant nous intéresser plus particulièrement à la situation écologique de Baotou.
  Depuis le début de l’exploitation minière, on remarque de nombreux changements. Alors que l’agriculture s'étendait sur la plupart des terres, elle est devenue peu à peu impossible. On estime que 4000 hectares de terrains agricoles environnants ont été touchés par la pollution des déchets liquides. La population du village est passée de 2000 à 300 habitants. Le taux de mortalité  à des cancers atteint 70% (en France, il est en moyenne de 27%). La radioactivité du sol est 32 fois supérieurs au taux normal, (2 fois plus qu’à Tchernobyl). Les conséquences sont donc très graves et ne peuvent s’expliquer que par un manque évident de normes environnementales. 
  La société chinoise des terres rares estime que l’extraction et la purification d’une tonne de terre rare cause la production :
- d’environ 10000 mètres cubes de gaz contenant des acides, du dioxyde de soufre et des particules de poussière
- de 75m3 (soit 75000 litres) d’eau acide
 et d'environ une tonne de déchets solides radioactifs. 

En outre, le lac artificiel formé par ces déchets liquides se rapprocherait de sa capacité maximale, ce qui nécessiterait la mise en place d’autres mesures pour le stockage à venir. Cet état des lieux est très inquiétant pour l’écosystème local et les habitants de la région. Le fleuve Jaune, qui traverse Baotou, déjà fortement  pollué, irrigue l'agriculture céréalière de toute la région.

  Les dégâts environnementaux ne se limitent pas à la mine de Bayan Obo. En effet, la mine de Mountain Pass a également connu des déboires écologiques qui ont conduit à sa fermeture. 
 Afin d’évacuer les eaux usées contenant des déchets toxiques, deux lacs artificiels d’évaporation d’une quinzaine d’hectares de superficie étaient reliés entre eux par une canalisation. Ils avaient été construits près du lac asséché d’Ivanpah, à une dizaine de kilomètres du site d’extraction, pour remplacer les précédents réservoirs. Après la constatation en 1985 que les lacs subissaient des fuites, fut construit en 1988 un lac artificiel de 40 hectares de superficie. D’autres mesures furent ensuite mises en oeuvre pour limiter la pollution des réserves d’eau souterraine. Au total, plus de 2 millions de litres d’eau contenant des déchets radioactifs et toxiques furent déversés dans le désert. Finalement, l’agence de protection de l’environnement américaine (EPA) jugea que tous ces rejets accidentels ne constituaient pas de menaces significatives pour la santé humaine ou ou l’environnement. Après plusieurs analyses et inspections, la mine fut ouverte de nouveau en 2012.
En France, l’usine de La Rochelle possédée par l’entreprise Rhodia, était la plus grande usine de séparation des terres rares des années 1960 à 1970. Elle a exploité de la monazite radioactive jusqu’en 1994. Ces déchets radioactifs étaient déversés dans l’océan Atlantique jusqu’au milieu des années 1970. Ces déchets avait une radioactivité considérée comme faible, mais étaient présents en quantités élevées. En 2007, l’usine stockait environ 90000m3 de déchets radioactifs, d'une part, sur son site même, d'autre part, dans le centre de stockage de déchets radioactifs de Cadarache. Ce stockage est dit aujourd'hui sécurisé et ne présentant aucun risque sauf en cas d’accident majeur.

     
Usine Rhodia, Source : stleger.info
   http://www.greenpeace.fr/stop-plutonium/img/cadarache1.jpg
    Usine de Cadarache, Source : greenpeace.fr
                     
  La production des terres rares a donc causé des dégâts environnementaux majeurs près des sites d’extractions et de raffinage. Ces dégâts sont dus à la présence d’éléments radioactifs (thorium, uranium ou radium) dans les minerais contenant les terres rares et à l’utilisation de certains produits chimiques pour les extraire et les raffiner. 
On peut parler de véritable désastre dans le cas de Bayan Obo, qui bien qu’il soit le plus grave, n’est pas le seul site ayant pu perturber l’environnement et menacer la santé des populations (Mountain Pass, usine Rhodia à La Rochelle, raffinerie de terres rare de Bukit Merah possédée par Mitsubishi en Malaisie, etc). Il y a donc des oppositions fortes à l’ouverture de nouvelles mines et usines, comme pour la réouverture de la mine de Mountain Pass ou l'ouverture d’une usine de raffinage en Malaisie par Lynas.
  Avec une demande en terres rares plus importante que jamais et une augmentation probable du marché et des prix, l’ouverture de nouveaux sites semble inévitable et risque de rallonger la liste des dégâts environnementaux.


   En effet, nous avons vu que les terres rares sont indispensables dans la technologie actuelle, y compris pour l'énergie verte (éoliennes, voitures électriques...).Les alternateurs d’éoliennes et de moteurs électriques fonctionnent grâce à des aimants puissants. Les seuls aimants existant aujourd’hui, ne risquant pas de perdre leurs propriétés au cours du temps, sont les aimants à base de néodyme, fer et bore ou de samarium et cobalt. Le samarium ainsi que le néodyme sont des terres rares. On estime qu’une éolienne de 3 MW possède 2700 kg d’aimant de néodyme-fer-bore, contenant environ 10% de néodyme. Les terres rares, qui polluent l’environnement lors de leur production sont donc nécessaires pour concevoir des inventions censées être respectueuses de l’environnement. On fait donc face à un véritable problème, qui devient de plus en plus urgent à mesure que le réchauffement climatique lié aux énergies fossiles augmente, et qui serait être remplacé par une pollution locale menaçant les populations vivant près des sites de production.